Le 25 janvier 2017, « nous sommes passés à un cheveu d’enclencher la mesure d’interruptibilité ! » déclarait le Président du directoire de RTE, François Brottes alors que la France était traversée par une vague de froid ordinaire. Le système électrique français n’avait plus que 1 000 MW de marge, soit un réacteur nucléaire.
En cause ? La sous-estimation dramatique de la demande en électricité qui a conduit à la fermeture des moyens de production pilotables thermiques et nucléaires dégradant les marges de sécurité de la France mais aussi de l’Europe.
Les représentants des salariés n’ont eu de cesse d’exercer leur devoir d’alerte, car depuis 10 ans, la France a fermé 12 GW de puissance électrique pilotable garantie mais aussi des sites de stockage gaz représentant ½ Milliard de m3 de gaz.
Côté électricité, la nation passe donc d’exportatrice à importatrice au moment où la consommation est au plus haut et, par l’effet de la déréglementation, où les prix sont aussi les plus élevés.
Côté gaz, le scénario est le même. A force de fonctionner à flux tendus et au plus rentable, la situation est encore plus complexe, au point de regretter la mise sous cocon, il y a peu, de 3 stockages pour simples raisons financières…
A l’approche de l’hiver et au paroxysme de cette crise, annoncer qu'il n'y aura pas de délestage, ou de coupure d’alimentation, relève d’un pari très optimiste, excepté si on bénéficie d’une météo clémente. Sans crier au loup, il faut bien réaliser que si l’une des deux énergies manque, ce sera autant le gaz que l’électricité qui seront coupés !
Pour la FNME-CGT, il est impératif de reconstituer des marges de puissance pilotables pour garantir l’alimentation sans faille du pays :
- en prolongeant par une maintenance de haut niveau la durée de vie des réacteurs nucléaires,
- en engageant sans tarder la construction de nouveaux moyens de production thermique (CCG et biomasse), nucléaire
(programme EPR 2) et hydraulique (Station de Transfert d’Énergie par Pompage et nouveaux sites de production).
Mais il est aussi impératif de revenir à la raison sur les stockages de gaz :
- en visant 100% de la capacité des stockages gaz plutôt que le 100% des volumes commercialisés !
- en augmentant les volumes physiques de stockage gaz et en réhabilitant les sites mis sous cocon
- en engageant la construction d’unité de biogaz et le développement des cavités salines d’H2
- en redimensionnant nos capacités de stockage en prenant en compte les risques géopolitiques, tout en leur permettant d’accueillir les biogaz.
En complément, sur la ressource hydrique gérée par les aménagements hydroélectriques et dans un contexte de réchauffement climatique, les conflits d’usage de l’eau vont s’intensifier. Conserver les concessions hydrauliques dans le giron de l’opérateur public EDF n’est pas une option. L’État ne peux pas céder aux dictats de Bruxelles qui veut imposer son soutien inconditionnel au secteur privé alors que les principes de sûreté des installations, de sécurité d’approvisionnement, et d’efficacité énergétique doivent compter avant tout.
Quant aux injonctions contradictoires en matière de politique énergétique, elles doivent cesser ! Tout projet de démantèlement ou de morcellement d’EDF, même masqué, doit être abandonné.
Le bilan objectif de la libéralisation du secteur est indispensable et les responsabilités doivent être identifiées.
En effet, les décideurs des gouvernements successifs, la CRE et le RTE attendaient que la diminution de la demande s’effectue par les économies d’énergie, déjà contraintes pour 13 millions de nos concitoyens en précarité énergétique.
Ainsi dès 2014, Élisabeth Borne, directrice du cabinet de Ségolène Royal, a fait adopter la LTECV (Loi de Transition Énergétique et de Croissance Verte) et ensuite la PPE (Programmation Pluriannuelle de l’Energie) limitant la part du nucléaire à 50%, et s'est félicitée en qualité de ministre de l’Énergie de faire fermer les 2 tranches de Fessenheim en 2020.
Il est aussi facile pour le PDG d’EDF, désavoué par le gouvernement, de dénoncer les « stop and go » dans le plan de charge de la filière électronucléaire : l’accumulation des difficultés est bien visible, tant sur le parc en production, qui atteint son seuil le plus bas de productible depuis ces 30 dernières années, que sur les nouveaux ouvrages, tel que l’EPR de Flamanville.
Or les directions d’EDF ou d’Engie ont eu tendance à considérer la production nucléaire et hydraulique ou les infrastructures gazières comme une « Machine à cash » en affichant des objectifs peu réalistes sur les durées d’arrêt pour maintenance, en densifiant tellement les activités que les conditions de travail se sont fortement dégradées et en générant des interfaces de plus en plus complexes par des recours excessifs à la sous-traitance. Les travaux dits « grand carénage » pour la rénovation et la modernisation du parc nucléaire n’ont été que trop repoussés.
Pour la FNME-CGT, il y a toute une filière à reconstruire dans la durée pour reconstituer les compétences, et revitaliser le tissu industriel.
Il n’y a pas une minute à perdre : la FNME-CGT exige la mise en oeuvre d’un vaste plan de recrutement.
En particulier dans le collège exécution, car il faut récréer des viviers de compétences pratiques indispensables et redonner au personnel de la motivation dans une filière industrielle d’avenir comme le confirme – enfin – le denier rapport de RTE. En effet, la construction de nouvelles tranches nucléaires s’avère indispensable pour faire face à la croissance inévitable de consommation d’électricité dans une économie de transferts massifs d’usages carbonés.
Enfin, la FNME-CGT tient à saluer l’engagement des salariés qui oeuvrent au quotidien pour le Service Public de l’Énergie en effectuant les opérations de maintenance et d’exploitation dans des conditions difficiles, d’exposition aux rayonnements ionisants dans le nucléaire pour procéder au retour sur le réseau d’un maximum de réacteurs au plus fort de l’hiver, ou sur les sites gaziers à risques (SEVESO).
Par les temps qui courent, on devient plus facilement ministre de l’Energie ou de l’Industrie que tuyauteur ou soudeur !
Afin de ne pas laisser les Français dans le noir et dans le froid, et à l’aune de décisions structurantes pour notre Nation, la FNME-CGT poursuivra son devoir d’alerte et de propositions au travers de son Programme Progressiste de l’Énergie pour garantir la souveraineté énergétique de notre pays, et permettre l’accès à des tarifs de l’énergie - électricité et gaz - régulés et maîtrisés au plus proche des coûts réels vers les usagers particuliers, professionnels, collectivités et industriels.